homme en fauteuil portant drapeau palestinien et
A Palestinian disabled man throws a stone with a slingshot towards Israeli forces during “Great March of Return” demonstration at Israel-Gaza border, near Shuja’iyya neighborhood of Gaza City, Gaza on September 6, 2019 [Mustafa Hassona / Anadolu Agency]

Cela fait plus de dix mois et 76 ans, que les PalestinienNEs sont expropriéEs, déplacéEs, emprisonnéEs, torturéEs, mutiléEs et tuéEs par l’État d'Israël, avec le soutien des pays occidentaux. Depuis le 7 octobre, l’offensive israélienne a tué plus de 40 000 PalestinienNEs et blessé 90 000 personnes. Les survivantEs sont contraintEs à l'exode, avec plus de 1,9 million de GazaouiEs déplacéEs.

 

D’après la revue médicale The Lancet, cette guerre entrainera au final la mort de plus de 186 000 personnes dans la bande de Gaza. Le journal explique que même si la guerre s'arrêtait, des milliers de GazaouiEs continueraient de mourir des effets indirects du conflit : manque de soins, de nourriture, de logements, et à cause de l’émergence d'épidémies (1).

 

Des médecins volontaires américainEs ont également adressé une lettre au président des États-Unis, Joe Biden, dans laquelle ils affirment que ce serait en fait plus de 92 000 GazaouiEs qui ont été tuéEs, représentant 4,2 % de la population de Gaza (2).

 

A ce jour, on peut dire que 100% des PalestinienEs sont handicapéEs, physiquement et/ou psychiquement. Dans Gaza, prison à ciel ouverte, Israel mutile et terrorise les PalestinienNEs, et produit du handicap, avec pour effet de diminuer la capacité de production de biens essentiels du quotidien, « paralysant » le peuple palestinien.

 

Avant cette offensive, 21 % des ménages à Gaza comptaient au moins une personne handicapée (3). Alors que la situation sanitaire des Palestiniens était déjà désastreuse, depuis le 7 octobre, Save the Children rapporte qu'au moins 10 enfants subissent des amputations chaque jour, et témoigne d'une "destruction psychologique totale" (5) (6).

 

Pourtant, Israël est présenté par les puissances impérialistes comme étant le défenseur des personnes handicapées au Moyen-Orient.

 

Pendant la pandémie de COVID-19, Israël s'était illustré par une campagne de vaccination rapide et efficace, servant de modèle aux pays occidentaux, alors même que l’armée israélienne avait bloqué les livraisons de vaccins destinés aux Palestiniens (7). Aujourd’hui, Israël laisse volontairement se propager le virus de la poliomyélite, une maladie extrêmement dangereuse et invalidante, que le pays est pourtant capable d'éradiquer, comme cela avait été fait dans le passé (8). Au lieu de lancer un plan de vaccination pour l’ensemble de la population, Israël vaccine uniquement ses soldats, utilisant le virus comme une arme supplémentaire dans son arsenal génocidaire.

 

Alors que la santé des Palestiniens est déjà catastrophique, Israël continue de détruire leur système de santé.

 

La destruction du système de santé palestinien : la politique génocidaire d'Israël.
 

Depuis le début de l'offensive, les hôpitaux sont ciblés par l'armée israélienne. À ce jour, la majorité des hôpitaux sont détruits ; sur les 36 hôpitaux de Gaza, seulement 10 sont partiellement fonctionnels.


En avril, l'hôpital Al-Shifa a été assiégé une deuxième fois. Le complexe hospitalier a été complètement détruit, n’épargnant ni les civils, ni les patientEs et médecins.. (9) (10). Depuis le début de la guerre, l’armée israélienne a tué plus de 500 membres du personnel hospitalier, bloqué les livraisons de médicaments, de nourriture, de matériel médical, et interrompu toute communication entre les hôpitaux et leurs fournisseurs (13). À ce jour, il est impossible d'offrir des soins de qualité aux victimes, patients, femmes enceintes et nourrissons palestiniens.
 

Les attaques et bombardements des hôpitaux palestiniens ne sont pas une conséquence malheureuse de la guerre, mais font partie de l'opération à caractère génocidaire de l’Etat d’Israël visant à détruire le système de santé palestinien et à engendrer des conditions sanitaires inhumaines. Par le ciblage du personnel soignant, humanitaire et de leurs fournisseurs, Israël cherche à empêcher les soins aux victimes et, à plus long terme, à travers la campagne de nettoyage ethnique qu’elle mène, à tuer massivement les PalestinienNEs (11) (12).


L’affaiblissement du système de santé palestinien a commencé bien avant le 7 octobre. Sous l’occupation de l'État d'Israël, le droit à la santé et la compensation du handicap des PalestinienNEs a été considérablement entravé par les restrictions d’ordre économique et en termes de liberté de circulation (14) (15).


La politique coloniale d’Israël a multiplié les checkpoints et réduit les accords de droit d’entrée/sortie des territoires (de la bande de Gaza et de Cisjordanie), rendant l’accès aux soins extrêmement compliqué, voire impossible. En 2022, seulement 17 000 autorisations ont été accordées aux PalestinienNEs de la bande de Gaza pour 2,3 millions d’habitants (16).

 

Les permis de sortie pour les accompagnantEs sont très souvent refusés, laissant les enfants
seulEs et loin de leurs familles durant leurs soins. Le système de soins étant moins développé à Gaza, les personnes atteintes de maladies cardiaques, de cancers et de maladies infantiles sont obligées de se rendre dans les territoires occupés par Israël. Les processus d’obtention des autorisations, longs et bureaucratiques, retardent les traitements (chimiothérapie, radiothérapie) et diminuent fortement les taux de survie. Les pénuries de médicaments essentiels et de matériel sont également une conséquence des restrictions de circulation.

 

L’effondrement du système de santé de Gaza et la forte augmentation du taux de mortalité des GazaouiEs sont les conséquences de plusieurs années de siège économique et du blocus de
la bande de Gaza. L’OMS signale que l’expansion coloniale d’Israël et le régime d'apartheid entraînent des inégalités en matière de santé et privent les palestinienNEs d’un réel accès aux soins.


Face à la guerre et à ce désastre sanitaire, les personnes malades et handicapées sont d'autant plus surexposées au danger de mort et d’aggravation de leur état. Il est difficile, voire impossible pour beaucoup d'entre elles de fuir car elles peuvent dépendre pour survivre dans la vie de tous les jours d'une aide humaine ou d'appareils médicaux. L’accès aux refuges et à l’aide humanitaire leur est encore plus difficile que pour d'autres si l'on tient compte des personnes à mobilité réduite et de l’inaccessibilité structurelle (17).
 

Rafah était l’une des dernières « zones sécuritaires » avec accès aux médicaments, à la
nourriture et à des aides médicales. Deux millions de PalestinienNEs, dont des personnes handicapées et malades, ont fui jusqu’à Rafah pour y trouver refuge. Alors que Rafah était considérée comme une zone sécuritaire, l'armée israélienne a envahi et bombardé le camp, comme l'ont montré les images insoutenables du bombardement de la nuit du 26 mai dernier. Le samedi 13 juillet, une série de frappes sur le camp humanitaire d’al-Mawasi a fait 90 mortEs et 300 blesséEs, dont la moitié étaient des enfants (18).


Ces offensives contre les lieux dits « sécuritaires » montrent encore une fois qu’il n’y a aucun refuge pour les PalestinienNEs.
 

Depuis plus de 76 ans, les PalestinienNEs sont mutiléEs non seulement physiquement mais aussi mentalement. Un des piliers fondamentaux du colonialisme israélien est la psychiatrie...

 

La psychiatrie est au service du colonialisme

 

La brochure Psychiatry’s Role in the Occupation of Palestine de la campagne Campaign for Psy Abolition explique le rôle de la psychiatrie en tant qu’outil du colonialisme israélien (19).

D’un côté, les institutions psychiatriques israéliennes développent l'idée que le peuple palestinien est un peuple arriéré, non humain, qui a besoin d'être "civilisé". De l'autre, la lecture de la guerre par les psychiatres des pays impérialistes et occidentaux présente les PalestinienNEs comme des victimes à secourir sans mise en lien avec l'histoire de colonisation et de leur asservissement. Dans les deux cas, le peuple palestinien est déshumanisé. La psychiatrie participe ainsi à renforcer l'occupation par l'État d'Israël et à légitimer le colonialisme de peuplement aux yeux du monde entier.

 

Un des piliers du colonialisme israélien est la terreur psychologique. Depuis des décennies, les PalestinienNEs subissent une violence psychologique coloniale omniprésente, qui a commencé en 1948 avec la Nakba et qui n’a jamais cessé. Cette violence s'est poursuivie à travers les attaques, les bombardements réguliers, et le blocus de la bande de Gaza, en vigueur depuis 17 ans, privant les PalestinienNEs de leur liberté. Cette terreur s’est encore intensifiée avec l’offensive israélienne qui a débuté en octobre dernier. Toute une génération de PalestinienNEs a grandi dans cette violence. Avant cette offensive, 4 enfants sur 5 à Gaza étaient déjà dépressifs et dépressives, et 3 sur 5 s'étaient automutiléEs. Aujourd'hui, des organismes rapportent une dégradation sans précédent de l'état psychique des habitantEs de Gaza.

 

La psychiatrie nourrit les rapports coloniaux. Alors que la souffrance psychologique des PalestinienNEs est systémique, les psychiatres occidentaux la diagnostiquent comme un trouble de stress post-traumatique (TSPT).

 

Cependant, le Dr Samah Jabr, responsable de l'unité de santé mentale au ministère palestinien de la Santé, affirme que les Palestiniens ne souffrent pas de TSPT mais plutôt de trouble stress traumatique chronique (TSTC), car la violence est omniprésente et constante (4).

 

Le Dr Jabr explique que la psychiatrie occidentale perçoit le traumatisme des Palestiniens comme la conséquence d'une violence passée, tragique, spécifique à un événement, individuel et traitable par des professionnelLEs, à l'instar des soldats américainEs qui souffraient de TSPT après avoir commis des massacres au Vietnam pendant une période définie.

 

Il est impossible d'appliquer ce diagnostic impérialiste, car il ne prend pas en compte la source réelle du traumatisme : l'occupation par l'État d'Israël. Considérer les violences subies par les PalestinienNEs comme relevant du passé permet de dissimuler et de perpétuer la terreur psychologique que l'État d'Israël utilise pour briser toute résistance des PalestinienNEs et imposer sa politique coloniale.

 

La seule solution pour atteindre la justice et permettre une véritable prise en charge de la folie et des troubles psychiques est la libération de la Palestine et l’abolition de la psychiatrie elle-même.

 

Justice pour toutes les personnes handicapées : Libération de la Palestine

 

Comme en Palestine, en Kanaky, et dans d’autres pays, l’impérialisme fragilise les systèmes de santé et utilise la psychiatrie pour opprimer les peuples dominés. La lutte contre le validisme est indissociable de la lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, la guerre et le militarisme.

 

Dans les pays occidentaux, comme la France, la lutte antivalidiste est une lutte pour l’émancipation et l’égalité et les droits des personnes handicapées. Cependant, elle doit aussi s’opposer aux puissances impérialistes. Dans les pays occidentaux, l’impérialisme et le capitalisme ségréguent les personnes handicapées, hiérarchisent les corps, appliquent des politiques eugénistes, et considèrent que la vie d’une personne handicapée ne vaut pas la peine d’être vécue. À l’inverse, les personnes handicapées sont parfois mises en avant comme des sources d’inspiration ou des "leçons de vie" pour les personnes valides. Dans les pays du Sud, l’impérialisme, par l’occupation, la dépossession, les guerres, le militarisme, et la psychiatrie, affaiblissent physiquement et mentalement les populations autochtones, produisant ainsi du handicap (20) (21).

 

Créer du handicap chez un peuple fait partie des stratégies militaires et coloniales. En 2018, les soldats de Tsahal visaient la partie inférieure des cuisses pour toucher les artères, provoquant ainsi des infections osseuses dont la seule issue était l’amputation (19). La production de handicaps, la destruction des hôpitaux et la propagation délibérées d’épidémies permettent de tuer massivement sans que ces victimes soient considérées comme des morts directes de la guerre ou du colonialisme israélien aux yeux des civils étrangerEs. Ces méthodes permettent au pays colonisateur de renforcer sa politique coloniale, d'affaiblir les résistances, et de rendre le peuple opprimé dépendant de l'État qui l’asservit.

 

Alors que la France se présente comme un "défenseur des personnes en situation de handicap", Emmanuel Macron a augmenté d’un tiers le budget militaire et continue d’exporter des armes vers Israël. La lutte contre le validisme doit également s’attaquer au militarisme et aux violences policières. La Palestine est devenue un laboratoire militaire pour les pays impérialistes. L’État d’Israël y teste des armes, développe des formations militaires, des méthodes de violence psychiatrique, de torture, et d’espionnage au service des puissances impérialistes. L'étude des corps et de l'esprit des PalestinienNEs est utilisée pour développer des armes non létales mais mutilantes. Ces mêmes armes sont ensuite utilisées dans le cadre du colonialisme français, que ce soit en Kanaky cette année, en Guadeloupe en 2021, ou encore contre les jeunes des quartiers après le meurtre de Nahel et lors des manifestations des Gilets jaunes.

 

Face à la catastrophe humanitaire et sanitaire en Palestine, l’arrêt des bombardements ne suffira pas à stopper le génocide en cours. La seule solution pour mettre fin à ce massacre est la libération de la Palestine, de la mer au Jourdain. Notamment pour que les PalestinienNEs puissent construire un véritable système de santé et de soin pour tous sur leurs terres. Il n’y aura pas de justice pour les personnes handicapées tant que les guerres et le colonialisme existeront. Il est urgent de s’organiser pour que la lutte antivalidiste s’associe aux mouvements de soutien à la Palestine contre l'impérialisme et la suprématie blanche.

 

Maddi, militante à Handi-Social

 

  1. https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)01169-3/fulltext?s=08#%20 

  2. https://www.theguardian.com/world/article/2024/jul/25/israel-gaza-war-biden-letter

  3. https://www.arabnews.fr/node/464681/monde-arabe

  4. https://www.theguardian.com/world/2024/apr/14/mental-health-palestine-children

  5. https://www.trtfrancais.com/actualites/gaza-au-moins-10-enfants-perdent-leurs-jambes-par-jour-revele-save-the-chidren-16576801

  6. https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/apres-huit-mois-de-conflit-dans-la-bande-de-gaza-le-traumatisme-psychologique-de-la-guerre-est-ancre-dans-l-adn-des-palestiniens_6595830.html

  7. https://www.aljazeera.com/opinions/2021/3/23/covid-19-vaccinations-are-proof-of-israels-medical-apartheid

  8. https://www.who.int/fr/news-room/commentaries/detail/children-in-gaza-are-now-at-risk-of-polio-as-well-as-bombs---we-need-a-ceasefire-now

  9. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/02/assiege-par-les-forces-israeliennes-le-plus-grand-hopital-de-gaza-detruit_6225571_3210.html  

  10. https://www.who.int/fr/news/item/06-04-2024-six-months-of-war-leave-al-shifa-hospital-in-ruins--who-mission-reports 

  11. https://charleroi-pourlapalestine.be/index.php/2024/02/23/la-destruction-du-systeme-des-soins-de-sante-a-gaza-nest-pas-un-effet-secondaire-mais-un-but-du-genocide/  

  12. https://www.chroniquepalestine.com/les-israeliens-ont-detruit-hopital-al-shifa-pour-accelerer-effondrement-social-a-gaza/  

  13. https://www.trtfrancais.com/actualites/gaza-israel-a-tue-plus-de-500-membres-du-personnel-medical-18139920  

  14. https://cahiersdesante.fr/editions/47-decembre-2023-2/defense-du-droit-a-la-sante-du-peuple-palestinien/ 

  15. https://gabrielperi.fr/initiatives/conference-sur-la-sante-publique-en-palestine-30-jan/  

  16. https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/18/dans-les-territoires-palestiniens-l-acces-aux-soins-gravement-entrave-par-les-restrictions-israeliennes-selon-la-banque-mondiale_6189891_3210.html  

  17. https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/acaps-thematic-report-palestine-impact-conflict-people-disabilities-gaza-strip-14-february-2024?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR2yGQWBJj553yRPY1WWmYrXeECoTZcT804Xt5WOTFsUZeK81icy-L-ni6o_aem_Qrs18dUGUe6aYsgicwz6BA  

  18. https://news.un.org/fr/story/2024/07/1147041 

  19. https://drive.google.com/file/d/10Np8T-BwcvTSNxZ6Eab1CJxF7WC2WEUK/view

  20. https://abolitionanddisabilityjustice.com/2021/05/20/statement-of-solidarity-with-palestine-from-the-adjc/

  21. https://nelly-bassily.medium.com/palestinian-liberation-is-disability-justice-c79568e779e2