Communiqué : Malgré une évolution jurisprudentielle importante, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des militantEs handicapéEs !
La Cour de cassation a procédé à une évolution extrêmement importante de sa jurisprudence en optant pour un contrôle complet de proportionnalité au sujet de la désobéissance civile mais a néanmoins rejeté le pourvoi des militantEs handicapéEs et proches de l’association Handi-Social qui avaient mené des actions non violentes pour dénoncer le non-respect des droits fondamentaux des personnes handicapéEs.
La Cour de cassation a reconnu que les actions menées par les militantEs handicapéEs se sont inscrites dans le cadre de manifestations pacifiques portant sur un sujet d’intérêt général qui peuvent être considérées comme une expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a néanmoins décidé que si les manifestations se sont déroulées sans actes de violence ou dégradations, les condamnations et les peines d’amende en totalité ou en partie assorties du sursis n’étaient pas disproportionnée.
Au-delà de la situation des activistes handicapéEs, cette évolution jurisprudentielle est un progrès pour les droits de l’homme et va permettre aux militantEs qui agissent dans le cadre de la désobéissance civile non violente de bénéficier d’un droit plus protecteur qui s’inspire de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Mais les droits humains ne s’appliquent toujours pas aux personnes handicapées comme si nous relevions d’une autre humanité, alors que les obstacles à notre participation à la vie en société ne sont pas le fruit de nos incapacités ou déficiences, mais bien les choix d’une société inaccessible et inadaptée à tous.
Ce rejet ne signifie pas la fin du combat puisque l’affaire peut encore être portée devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Car la Cour s’est aussi illustrée par son validisme et son incompréhension des enjeux, des conditions de vie des personnes handicapées. Cela alors que l’ONU, dans son rapport sur la politique française du handicap, parle de « ségrégation, de privation de liberté et d’atteinte aux droits humains ».
Rappelez-vous, en 2018, nous étions 16 militants et militantes handicapéEs d’Handi-Social ainsi que certains de nos proches, à avoir organisé une série d'actions non-violentes dans nos fauteuils roulants, avec nos cannes blanches ou chien d’assistance afin de dénoncer le non-respect de nos droits fondamentaux par l’Etat Français qui refuse d’appliquer ses propres lois sur l’accessibilité depuis 50 ans, les réduisant même, et de mettre en oeuvre la Convention internationale des droits des personnes handicapées de l’ONU ratifiée en 2010.
Nous avions été condamnés en première instance en mai 2021 puis avions eu une révision de nos peines devant la cour d’appel de Toulouse en octobre 2022. Puis, en octobre 2023, Me Ghnassia, avocat au conseil, a plaidé notre relaxe devant la Cour de Cassation, en présence de quelques-uns d’entre nous, accompagnéEs et soutenuEs par Me Arié Alimi, notre avocat.
Malgré le caractère symbolique et non-violent de nos actions comme le blocage d’un TGV en gare Matabiau à Toulouse pour réclamer sa mise en accessibilité, après des années de promesses non tenues, et le blocage des pistes de l’aéroport de Blagnac pendant une heure, pour dénoncer la loi Elan qui a divisé par 5 la production de logements accessibles, l’Etat avait engagé une répression féroce, faisant de nous un exemple pour dissuader d’autres militantEs de reproduire nos actions.
Non seulement nous avons subi un acharnement judiciaire, avec des condamnations administratives de 750€ chacun, mais nous avons aussi été confrontéEs en première instance à une parodie de procès qui a défrayé la chronique. Nous avons été jugéEs dans des conditions indignes, dans un tribunal inaccessible, échappant de peu à la prison ferme.
Le tribunal correctionnel de Toulouse s’illustrait en effet par son accessibilité défaillante, par un traitement indigne des prévenuEs handicapéEs (refus de donner les moyens à une personne avec difficultés d’élocution de s’exprimer, débats inaudibles pour d’autres, horaires empêchant un retour à domicile, absence de pauses au point qu’une militante s’est urinée dessus, non-respect des normes sanitaires en pleine pandémie malgré l’existence de comorbidités, etc.) et par l’absence d’aménagements raisonnables permettant de compenser nos handicaps. Le tribunal avait finalement prononcé des peines de prison avec sursis contre 15 d’entre-nous, pour avoir défendu leurs droits fondamentaux.
Nous avions fait appel de nos condamnations et une nouvelle fois, nous avions invoqué l’état de nécessité dans lequel nous sommes, tenuEs d’agir pour alerter l’opinion publique sur la politique française du handicap. Nous avions finalement écopé en octobre 2022 de peines d’amende avec sursis et d’une peine ferme pour notre Présidente, Odile Maurin. Et restait en suspens la demande des parties civiles dont Air France qui nous réclamaient près de 40 000 €. Parce que nous avons refusé de laisser criminaliser nos actions et le mouvement social qui s’est constitué, nous nous étions pourvuEs en cassation afin de faire reconnaitre de nouveau le droit à la liberté d’expression consacré par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l’homme.
La Cour de cassation, malgré les conclusions de l’avocat général en faveur d’une cassation, et une évolution majeure de sa jurisprudence, a néanmoins rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel.
Nous réfléchissons désormais à une saisine de la Cour européenne des droits de l’homme pour faire reconnaitre le droit à la liberté d’expression et de réunion dont nous avons usé, et l’état de nécessité dans lequel nous avons été mis pour alerter sur les reculs des droits et défendre les personnes handicapées.
Et il est maintenant temps que la France cesse ses politiques validistes et mette enfin en oeuvre la convention ONU des droits des personnes handicapées ! Plutôt que de nous proposer de « mourir dans la dignité » faute de nous permettre de vivre dignement.
Contact presse :
Me Michael Ghnassia avocat au Conseil 01 45 03 11 30
Me Arié Alimi 06 32 37 88 52
Odile Maurin 06 68 96 93 56
La décision de la Cour de Cassation du 8 janvier 2025 :
Le communiqué de la Cour de Cassation :
Le rappel des faits, l'audience de la Cour de Cassation, les précédents procès, l'avis non suivi de l'avocat général, etc :
Déclaration d'Odile Maurin, présidente d'Handi-Social :
Nous saluons positivement l’évolution de la doctrine de la Cour de cassation qui est une avancée pour le droit français. En effet, la Cour de cassation jugeait seulement sur la forme les décisions de première instance et d’appel jusqu’à maintenant. Mais avec cette décision elle étend maintenant complètement son contrôle de proportionnalité et juge donc en dernier ressort de la proportionnalité des peines infligées. C’est une première.
Pour autant, nous dénonçons le validisme de la Cour et son incompréhension des enjeux des conditions de vie des personnes handicapées. Cela alors que l’ONU, dans son rapport sur la politique française du handicap, parle de ségrégation, de privation de liberté et d’atteinte aux droits humains.
Il est symptomatique que le communiqué de la Cour de cassation prétende que nous avons souhaité «alerter sur les conditions d’accueil des personnes en situation de handicap dans les transports». Elle démontre ainsi que 25 magistrats réunis n’ont même pas été capables de lire correctement les mémoires de nos avocats.
En effet, en bloquant le TGV à la gare Matabiau nous avons voulu alerter sur l’inaccessibilité de la gare Matabiau à Toulouse et sur l’impossibilité qui est la nôtre de nous déplacer librement. Mais en bloquant les pistes de l’aéroport, nous avons tenté de dénoncer la division par 5 de la production de logements neufs accessibles et le refus de fait de nous permettre de vivre dans la société comme les autres, en bénéficiant de logements accessibles et adaptés, mais aussi en permettant que nous puissions rendre visite à nos amis, nos proches et nos familles.
Nous dénonçons une société qui considère que nos vies ne valent pas la peine d’être vécues à tel point que nombre de valides expliquent qu’ils préfèreraient mourir que d’être dans notre situation.
Et que face à nos appels au secours concernant les conditions de vie des personnes handicapées en France, les parlementaires et le gouvernement nous proposent finalement de « mourir dignement » plutôt que de mettre en œuvre les conditions permettant des conditions de vie dignes et notre participation à la vie en société sur la base de l’égalité avec les autres.
Aujourd’hui, les droits humains ne s’appliquent toujours pas aux personnes handicapées comme si nous relevions d’une autre humanité, alors même que les obstacles à notre participation à la vie en société ne sont pas nos incapacités ou déficiences, mais bien le choix politique validiste depuis plus de 50 ans de construire une société inaccessible et inadaptée à tous, hiérarchisant ainsi nos vies. En cause, la vision médicale du handicap portée par les associations gestionnaires d’établissements spécialisés, telles que l’APF, l’APAJH, l’UNAPEI, qui parlent à notre place malgré le conflit d’intérêts dénoncé par l’ONU, et qui continuent à organiser en complicité avec les pouvoirs publics notre ségrégation et la privation de nos libertés.
Les mesures d'urgence que nous défendons pour une société antivalidiste :
Pour que les discriminations validistes cessent, il est urgent de répondre à l'appel pour une société antivalidiste :
Nous, militants antivalidistes, demandons à la société française de s’engager pour faire progresser enfin les droits et les libertés des personnes handicapées, dans le sens de leur autodétermination.
Nous insistons également sur la nécessité de mettre la solidarité nationale au cœur de ces politiques publiques, alors qu’elle est malmenée depuis plusieurs années, par la primauté donnée à la solidarité familiale au détriment de la situation des proches et des aidantEs.
Nous demandons donc aux parlementaires et à la société civile de s’engager publiquement pour :
• La transcription dans le droit français de la Convention ONU des droits des personnes handicapées et sa mise en oeuvre effective ;
• Un droit à la vie autonome des personnes handicapées entièrement financé par la solidarité nationale, des budgets d’assistance personnelle et services pour la vie autonome répondant aux besoins et aspirations des personnes handicapées, avec un échéancier de désinstitutionalisation et un moratoire sur la création de places en institutions ;
• La fin du report des obligations de mise en accessibilité (physique, communicationnelle et numérique) et l’imposition de sanctions significatives en cas de non-respect de l’accessibilité universelle ;
• En matière de logement, l’abrogation de l’article 64 de la loi ELAN et un programme national de construction de logements accessibles et adaptables, assorti d’une obligation d’installation d’ascenseur dès le 1er niveau ;
• Un droit inconditionnel à la scolarité de tous les enfants et à la formation de tous les adultes avec tous les moyens humains, matériels, pédagogique et organisationnel nécessaire et des locaux permettant l’organisation du suivi médico-social en son sein ;
• L’abrogation de l’article 1er de la loi de 2005 avec la fin de la confusion entre associations représentatives des personnes handicapées et associations gestionnaires d’établissements et services dont le conflit d’intérêt est dénoncé par l’ONU
• Une représentation réelle et effective des personnes handicapées, avec des Conseils Départementaux Consultatifs de l’Autonomie et un Conseil National des Personnes Handicapées ayant voix délibérative et dont les membres soient éluEs localement au sein des MDPH, parmi les représentantEs de collectifs militants non gestionnaires.
Ces propositions constituent des mesures urgentes, elles n’épuisent pas le besoin criant d’agir pour les droits des personnes handicapées et de mettre en place des politiques publiques antivalidistes.
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