Audition d’Odile Maurin présidente d'Handi-Social par la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale dans le cadre de la Mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Le 13 février 2025 en visio

Téléchargez le texte complet de mon intervention avec toutes les références citées de a la loi de 2005, des rapports et textes ONU : https://www.pepsup.com/resources/documents/ARTICLES/000/188/687/1886876/DOCUMENT/250213_HS_OM_synthese_critiques_loi_2005_audition_AN_13fev25.pdf?1740128445000

Des espoirs vite douchés : une loi pour les gestionnaires, non conforme à la CDPH

La loi de 2005 a suscité beaucoup d’espoir mais aujourd’hui, avec le recul, elle reste extrêmement critiquable, d’autant qu’elle aurait dû être modifiée dès la ratification de la convention ONU, il y a 15 ans.

D’une manière générale, ce pays n’est absolument pas à la hauteur de l’enjeu, n’ayant toujours pas compris qu’il ne s’agit pas d’une question biomédicale, mais bien d’une question de droits humains. Que ce ne sont pas nos incapacités ou déficiences qui empêchent notre participation à la vie en société mais bien des choix politiques construits depuis 50 ans et qui continue à organiser notre ségrégation. Que la question du handicap est une question éminemment politique, car le validisme, c’est une construction sociale qui assujettit des millions de personnes à une forme d’oppression et de discrimination systémique. Garantir une société libérée du validisme, c’est apporter une perspective et un espoir aux personnes concernées. C’est donner le droit aux personnes handicapées de vivre dignement et sans entrave, dans une société accessible à toutes et tous, dont le corollaire, le droit à la vie autonome est un point essentiel.

Un des défauts de cette loi c’est celui du droit français, des textes législatifs qui fixent une ambition, et des textes réglementaires de la haute administration qui limitent la portée légale et la restreignent en usant d’une écriture des parlementaires souvent insuffisante en terme de légistique et qui ne cadrent pas assez ce risque.

Cette loi est au final un échec car le fruit du compromis entre Etat et départements, suivi d’un détricotage et de la non-application des rares avancées. La co-écriture avec le lobby gestionnaire est une des raisons de cet échec car leurs intérêts ne sont pas les nôtres.

Finalement, cette loi de 2005 n’a été un progrès que pour les classes les plus favorisés, celles qui ont pu, y compris en allant au contentieux, faire valoir leurs droits, et celles qui ont eu les moyens de se substituer aux carences de l’État. Les classes populaires ont continué à être majoritaires dans les lieux de ségrégation comme les IME, les maisons d’accueil spécialisé, et tout autre lieu de privation de liberté dénoncé par l’ONU.

Art 1 : Représentation

Une des premières carences de la loi de 2005, c’est son article premier qui continue à ne pas distinguer les organisations réellement représentatives des personnes handicapées, et celles qui sont gestionnaires d’établissements et services spécialisés, organisations qui continuent en France à parler à la place des personnes concernées. Malgré le rapport alternatif produit par Handi-social devant le comité des droits de l’ONU en 2021, comité qui a demandé à la France de modifier l’article premier, les gestionnaires continuent à parler à notre place.

Les gestionnaires prennent des positions contraires à nos droits comme ils l’ont fait en soutenant en catimini l’ordonnance de 2014 et la loi Elan, tout en racontant le contraire à leurs adhérents et en les invitant encore à manifester contre des lois que APF, GIHP, LADAPT, l’APAJH, l’UNAPEI, l’AFM ont favorisé et facilité.

Sur la représentation des personnes handicapées, il faut donc modifier l’article premier de la loi de 2005, mais aussi organiser des élections parmi les personnes qui ont un dossier MDPH et les personnes titulaires de pension d’invalidité, afin qu’elles élisent leurs représentants au niveau local puis au niveau régional et national. De même les parents d’enfants handicapés doivent aussi élire leurs représentants mais sans parler au nom de leurs enfants pour lesquels il faut mettre en oeuvre les moyens de leur expression. Les parents ont des problématiques à défendre aussi.

Et le CNCPH, Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, doit cesser de voir ses membres désignés par le gouvernement, et de laisser la parole aux organisations gestionnaires qui sont toujours majoritaires, notamment dans la commission permanente.

L’arnaque de la création d’un collège des personnes handicapées aura fait long feu avec la présence de l’APF en son sein. Pour rappel, l’observation générale numéro 7 de l’ONU qui définit ce que sont et ne sont pas les organisations représentatives, dit que pour être qualifiées d’associations représentatives, l’association doit être composée et dirigée majoritairement par des personnes handicapées, et conditions cumulatives, n’avoir aucun lien avec la gestion d’établissements et de services.

Et alors que la France a ratifié la convention ONU en 2010 et qu’elle avait donc l’obligation de mettre en conformité son cadre légal et réglementaire avec cette convention, rien n’a été fait.

Il est temps d’inscrire la convention ONU dans la loi mais aussi de revoir les mécanismes de suivi et de contrôle. En effet, la CNCDH, commission nationale consultative des droits de l’homme, qui juge que la loi de 2005 ne respecte pas la convention, est elle-même une partie du problème. En effet, la CNCDH, ne respecte elle-même pas la convention, puisqu’elle accepte en son sein pour représenter les personnes handicapées une représentante de l’APF, organisation gestionnaire de lieux de privation de liberté. C’est d’autant plus inquiétant que la CNCDH, avec le défenseur des droits, est chargé d’assurer le suivi de la mise en oeuvre de la convention. Et que chez le Défenseur des droits c’est une ancienne cadre de l’APF qui est encore en charge du handicap.

Art 2 : Définition du handicap

Sur la définition du handicap, elle reste problématique et non conforme à la convention ONU dont la définition insiste bien davantage sur l’interaction avec l’environnement que sur les déficiences et les incapacités. La loi de 2005 reste dans une approche bio médicale.

Il faut aussi rappeler que la loi de 1975 était une loi en faveur du médico-social, donc de l’institutionnalisation, et si apparemment la loi de 2005, a consacré l’accessibilité et la compensation du handicap, elle ne s’en est jamais donnée les moyens, et les quelques points positifs ont été détricotés au fil du temps.

Art 41 à 54 : L’accessibilité

Sur l’accessibilité, la loi de 2005 est présentée comme une loi qui aurait permis de produire 100 % de logements accessibles dans le neuf alors que c’est totalement faux. La loi de 2005 était ambiguë dans sa rédaction et renvoyait à des articles du code de la construction et de l’habitat qui renvoyaient eux-mêmes à des décrets en conseil d’État. Il aurait fallu contester ces décrets dès leur sortie mais les gestionnaires à la manoeuvre s’en sont bien gardés et personnellement je ne maitrisais pas le sujet à l’époque.

Donc dans la réalité, elle ne prévoyait 100 % d’accessibilité que pour les logements en rez-de-chaussée et ceux desservis par ascenseur ce qui correspondait en réalité à 45 % de la production neuve, et il n’y avait aucune obligation sur l’ancien, sauf réhabilitation lourde. I

En fait, il y a toujours eu une politique de quotas alors que nous savons depuis les années 60 qu’il était possible de faire autrement comme l’a défendu Louis Pierre Grosbois, un des premiers architectes à s’être intéressé à l’accessibilité. De plus, l’obligation de l’ascenseur seulement à partir du quatrième étage a produit une diminution de la production de logements accessibles à partir de 2005, d’une part avec la destruction des tours des quartiers contenant des grands ensembles, tours qui avaient toutes des ascenseurs, et il y a eu surproduction d’immeubles de trois étages maximum. Selon Le moniteur il y a eu 66 000 appartements HLM perdus en 4 ans entre 2006 et 2010. Le parc HLM disposait de 37 appartements desservis par ascenseur pour 100 personnes à mobilité réduite en 2006, il n’en propose plus que 34 en 2009, actant une régression de l’offre de -9.94%.

Surtout, comment a-t-on pu penser qu’il suffisait de construire un nombre de logements accessibles égale au nombre de personnes handicapées ? Cette idée nie le droit des personnes handicapées à toute participation à la vie sociale, car comment rendre visite à ses amis et sa famille qui à terme tous les logements ne sont pas accessibles ???

Les seules avancées de la loi de 2005 en matière d’accessibilité du logement, c’était la douche à l’italienne pour les logements accessibles, et l’accessibilité d’au moins une terrasse, un balcon ou loggia, en tout cas pour le quota de logements qui devaient être accessibles dans le neuf. Ces points ont été annulé par la loi Elan.

Surtout, la loi de 75 et ses textes réglementaires bien trop tardifs était bien mieux écrite sur le plan technique et juridique sur l’accessibilité que la loi de 2005. Le problème c’est que la loi de 75 ne s’est jamais appliquée, et que pour la loi de 2005, les pouvoirs publics et les gouvernements successifs ne se sont jamais donnés les moyens de permettre son application.

Puis la loi Elan a encore diminué le quota de logements produits en se basant sur plusieurs mensonges. L’exposé des motifs était tiré directement d’un rapport de la Fédération française du bâtiment qui prétendait que le surcoût de l’accessibilité dans le neuf représentait 15 à 20 %, et qu’une salle de bains devait faire au moins 8 m², alors qu’un architecte formé correctement fait une salle d’eau de 3,50 m2. Le problème, c’est qu’on n’a pas obligé les architectes en exercice à se former et qu’on a énormément tardé à former les étudiants, et on les forme de mal.

Sur l’accessibilité, c’est le principe même des quotas qu’il faut combattre. Et rendre obligatoire l’ascenseur dès le premier niveau. Surtout, il ne faut pas se contenter de construire tous les logements neufs accessibles, mais il faut aussi se donner les moyens de massifier la réhabilitation de l’existant en rendant systématique la mise en accessibilité, et là on a des modèles, nos prix Nobel d’architecture, le Pritzker de Lacaton et Vassal, qui démontrent que des architectes formés peuvent faire du bon travail.

Il reste maintenant à construire une loi véritablement progressiste, mieux que la PPL du député Brun, une loi qui assure un fonctionnement optimal des ascenseurs en France, avec une véritable maintenance préventive, et des obligations d’intervention dans l’heure pour toute personne qui est bloquée chez elle ou en bas de chez elle, faute de pouvoir prendre les escaliers. Et pas seulement pour les personnes bloquées dans la cabine. La France un retard énorme en termes d’équipements d’ascenseurs, surtout comparée à l’Espagne, et là encore c’est un choix politique.

Accessibilité des ERP :

Comme dit précédemment, la loi de 75 avait prévu l’accessibilité, mais les textes réglementaires ont été très tardifs et n’ont quasi jamais été appliqués. Puis la loi de 2005 a rendu obligatoire l’accessibilité dans le neuf, et dans l’ancien, a donné un délai de 10 ans jusqu’en 2015, avec trois motifs possibles de dérogation, impossibilité technique, patrimoine historique et le motif économique.

Puis l’ordonnance de 2014 est venue donner grosso modo 10 ans de plus pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des transports, et ces nouveaux délais ne sont aujourd’hui pas respectés. Avec une diminution de la réglementation qui permet aujourd’hui de considérer des établissements recevant du public comme accessible alors qu’ils ne le sont pas, et encore moins en toute autonomie.

Sur l’accessibilité, c’est l’État qui devrait assurer le contrôle. Il faut dénoncer le scandale des entreprises privées de contrôle sur l’accessibilité du logement dont le clientélisme et l’absence de formation amènent à produire des attestations de contrôle totalement mensongère.

Et pour les ERP, suivant la catégorie, ce sont les CCDSA, commission consultative départementale de sécurité d’accessibilités qui font les contrôles, avec des représentants d’associations de personnes handicapées, qui sont en fait essentiellement les associations gestionnaires qui envoient des personnes non formées qui ont tendance à accepter n’importe quoi. Il y a peu de visites sur site sauf pour les plus gros établissements. C’est ainsi que beaucoup trop de constructions neuves dans ce pays présentent des non-conformités. Selon un rapport d’il y a 10 ans, 25% des écoles neuves étaient non conformes et en tant qu’élue locale de terrain, je pense que c’est bien plus.

Sur la question des transports, la loi de 2005 avait introduit la notion de la continuité de la chaîne de déplacement, ce qui était un point majeur. Il devait être possible d’aller de son logement à un établissement recevant du public, au travail, d’utiliser des transports totalement accessibles, et que l’espace public soit accessible. Mais sur la voirie jamais de délai et l’obligation de rendre accessible en cas de travaux peu respectée.

Notion de chaine de déplacement à laquelle l’ordonnance accessibilité de 2014, votée par la gauche, a mis fin en rendant désormais obligatoire la seule mise en accessibilité des arrêts les plus fréquentés, et donc l’abandon de la mise en accessibilité des territoires ruraux interdisant durablement de choisir de vivre là où on veut. Malgré cela, même sur la mise en accessibilité des arrêts du prioritaire, retard plus que conséquent. À noter que sur les métros, grâce à l’APF, il y avait eu dérogation par la loi de 2005 pour les transports souterrains.

Sur l’accessibilité numérique, c’est un véritable scandale car l’immense majorité des sites publics et privés sont totalement inaccessibles aux personnes aveugles, les excluant encore davantage de la société, alors qu’il n’est plus possible de faire une seule démarche administrative autrement que par le numérique.

Sur la LSF, c’est un autre scandale, et les jeunes sourds n’ont toujours pas accès partout à l’école ordinaire avec les interprètes ou enseignants en langue des signes françaises dont il devrait bénéficier systématiquement. C’est ainsi que les familles viennent vivre en masse dans les deux seules villes de France où ils peuvent bénéficier d’une scolarité bilingue, dont l’agglo toulousaine.

Art 11 et 12 : Le droit à compensation

Autre point présentée comme majeur dans la loi de 2005, le droit à compensation du handicap. Ce droit à compensation, qui selon la loi devait concerner tous les domaines de la vie et être intégral, ne l’a jamais été. En cause des textes réglementaires que nous aurions dû contester dès leur sortie. Il avait d’ailleurs fallu que la Coordination handicap autonomie, dont j’étais, monte au créneau dès 2006, car le gouvernement avait sorti un décret qui limitait la PCH à 12 heures par jour et il a fallu que Sandrine Riaudo et Dominique Rabaud montent à l’Élysée pour obtenir 24 heures sur 24.

Surtout, le sport favori dans les MDPH depuis quelques années, c’est de tout tenter, y compris en mentant sur les textes réglementaires, pour empêcher d’accorder 24 heures sur 24 aux personnes ayant les besoins de compensation les plus importants. Et on peut encore aujourd’hui avoir besoin d’aide humaine au quotidien et ne pas être éligible à la PCH.

Surtout, le mécanisme prévoyant 2 phases pour le droit à compensation, avec d’une part la PCH, puis après les fonds départementaux de compensation (art L146-5 du CASF) avec la règle qui voulait que ne devait rester à la charge des personnes handicapées qu’un montant maximum de 10 % de leurs ressources, n’a quasiment jamais été appliqué. Par trois fois le Conseil d’État a condamné la France pour le retard pris à sortir le texte réglementaire pour appliquer la loi.

J’ai attaqué à mon tour avec Handi-Social à titre personnel, et le gouvernement a contré en sortant une nouvelle loi en 2020 qui limitait l’accès aux fonds départementaux de compensation au budget disponible, alors que l’État n’abondait pas les fonds. Nous avons attaqué et le Conseil constitutionnel a finalement considéré, après qu’Handi-Social ait tenté de faire constitutionnaliser le droit à compensation, qu’il était finalement normal de faire des cagnottes pour pouvoir se payer un fauteuil roulant. Alors que les aides techniques sont des extensions de nos corps, il est encore normal de devoir ramper et de devoir s’en priver en France. Le conseil constitutionnel n’a pas jugé endroit, mais en opportunité.

En ce qui concerne les aides techniques, les plafonnements, les délais et la complexité font que de nombreuses personnes se privent des aides dont ils ont besoin, et pour certain cela a des conséquences physiques qui aggravent leur état et qui au final sont très coûteuses pour les finances publiques.

Quant à la prise en compte des handicaps cognitifs, psychiques et mentaux, il y a possibilité d’obtenir la PCH à ce titre depuis seulement janvier 23, mais de manière extrêmement limitée. Par exemple des personnes cérébrolésées qui nécessiteraient 24 heures sur 24 accompagnements à domicile et pour lesquels ce n’est toujours pas possible.

Art 19 à 22 : Education, scolarisation

Enfin, sur la scolarisation, il y a certes de plus en plus d’enfants scolarisés ou tout au moins, il y en a eu de plus en plus, mais on assiste aujourd’hui à des reculs. Il faut questionner aussi le temps effectif de scolarisation. L’école de la république est tellement en difficulté, que les enfants handicapés sont de nouveau poussés à retourner dans les lieux de ségrégation que sont les IME et autres établissements spécialisés, ou dans des classes ségréguées. En cause, certes le manque de moyens de l’éducation nationale, des effectifs trop importants, mais en réalité, la loi de 2005 n’a jamais donné les moyens réels d’une école qui soit l’école de tous. Et il y a toujours autant de places en Ets spécialisés aujourd’hui qu’en 2005.

En maintenant l’existence de lieux de ségrégation, la loi a permis à une partie du corps enseignant de considérer qu’il y avait une place ailleurs pour des enfants pour lesquels on ne les formait pas et pour lesquels on ne leur donnait pas les outils pédagogiques, matériels, organisationnels et les formations nécessaires pour permettre la scolarisation de tous de manière inconditionnelle. Et c’est ainsi que ce qui est possible dans d’autres pays devient de plus en plus impossible dans le nôtre.

En dehors des syndicats Sud éducation et en partie pour la CGT éducation, on a des syndicats capables de dire qu’ils sont contre les tris des enfants avec les groupes de niveaux, mais qui considèrent que quand cela s’applique aux enfants handicapés, ce n’est pas la même chose. Comme si ses enfants ne relevaient pas de la même humanité.

Sur l’éducation, il est important de comprendre le rôle essentiel de la formation de tous les enseignants sans aucune exception et la question des aménagements pédagogiques. Mais surtout il faut remettre en cause une école de la république qui est élitiste et qui finalement développe un esprit de compétition au lieu d’une approche de la coopération qui serait essentielle pour construire une société égalitaire.

Art 23 à 40 : Emploi

Sur la question du travail, le mécanisme est vicié, d’abord avec un taux d’emploi de 6 % alors que le nombre de personnes handicapées dans une population est de 16 %. Ensuite, plus une entreprise produit de handicap par la pénibilité, plus elle est récompensée puisqu’elle diminue sa contribution aux fonds AGEFIPH et FIPHFP.

La suppression des trois catégories A, B et C de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé qui existait avant 2005, a favorisé le fait de chercher employer les personnes qui ont le moins d’incapacité et de déficiences à compenser. Il n’y a pas de mécanisme vertueux pour contrebalancer ça. Et surtout l’absence de respect de la notion d’aménagements raisonnables et les délais pour obtenir des moyens de compensation du handicap dans le milieu professionnel rendent l’accès à l’emploi particulièrement compliqué. Surtout, l’inaccessibilité du logement, des ERP, des locaux de travail et des transports participent à cette inaccessibilité de l’emploi.

Sinon rien ne justifie de maintenir l’existence des ESAT mêmes en accordant les droits du travail. Cela reste des lieux de ségrégation. De même pour les entreprises adaptées. Il doit y avoir une obligation d’emploi en milieu ordinaire avec tous les accompagnements nécessaires, tous les aménagements raisonnables, ce qui n’existe toujours pas.

Il aurait fallu asseoir le dispositif de sanction sur une approche beaucoup plus vertueuse qui sanctionne au contraire les entreprises qui produisent du handicap, avec des mécanismes qui facilitent réellement l’emploi et l’aménagement des postes, y compris des aides humaines.

Art 16 : Ressources

Sur la question des ressources, on maintient d’un côté l’inaccessibilité de l’emploi, et de l’autre, on oblige les personnes handicapées à vivre avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, alors même que pour beaucoup d’entre elles, elles ont des frais supplémentaires que n’ont pas les personnes valides.

Article 55 : CNSA

La CNSA, caisse nationale de solidarité l’autonomie, est viciée par la surreprésentation des conseils départementaux, et par le fait que les personnes handicapées sont représentées par des organisations gestionnaires dont les intérêts sont contraires à ceux des droits fondamentaux des personnes handicapées. De plus, la CNSA, qui est censé assurer la formation des personnels des MDPH se permet de produire des guides qui restreignent l’application des textes réglementaires qui eux-mêmes sont restrictifs par rapport aux objectifs initiaux de la loi de 2005.

Art 64 à 70 : MDPH, CDAPH

Concernant les MDPH, et leur organe décisionnaire la CDAPH, il faut noter que le fait d’avoir confié la gestion des MDPH aux conseils départementaux qui financent aujourd’hui majoritairement les allocations de solidarité, dont le droit à compensation du handicap, font que les départements sont juges et parties, et qu’ils mènent donc des politiques qui considèrent les personnes handicapées comme des variables justement.

Par ailleurs, la composition des CDAPH pose problème. Les articles qui permettent de donner une voix prépondérante pour la PCH à la présidence de la CDAPH généralement détenue par le département renforcent le côté juge et partie.

Enfin, les associations de personnes handicapées représentent seulement un tiers des membres de la CDAPH et sont choisies par le département et par les préfectures essentiellement sur des critères de docilité et d’incapacité à se former pour exercer un vrai rôle de contre-pouvoir. Surtout, les organisations gestionnaires qui sont censées avoir une place consultative, occupent de fait les places des organisations censées être représentatives des personnes handicapées alors qu’elles ne le sont pas.

De même, très souvent les représentants des CAF et des CPAM, qui sont censés être les représentants des usagers de ces organisations, représentent davantage les organisations que leurs usagers, et prennent souvent fait et cause avec les MDPH au détriment des personnes concernées.

Enfin, les référentiels utilisés pour l’accès aux droits sont construits sur une vision qui reste très biomédicale et qui ne prend pas en compte les besoins réels pour permettre une réelle compensation des incapacités et déficiences dans un environnement donné et pour permettre une réelle participation à la vie en société.

En ce sens, le référentiel de la PCH est particulièrement critiquable. Quant au référentiel permettant la fixation du taux d’incapacité, auquel j’ai contribué entre 2000 et 2007, il nécessiterait d’être mis à jour et en conformité avec la convention ONU.

Concernant la RSDAE, la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi, qui permet d’accorder l’AAH avec un taux compris entre 50 et 80%, a depuis 2011 considérablement réduits l’accès à l’AAH. Aujourd’hui une personne considérée comme capable de travailler àmi-temps se verra refuser le bénéfice de l’AAH alors même que son salaire sera inférieur à cette AAH. C’est un scandale.

Tutelles, curatelles

On peut aussi parler du scandale des tutelles et des curatelles, qui sont des mesures privatives de liberté, et qui devrait être remplacées par des mesures de prise de décision assistée. C’est-à-dire un véritable accompagnement, de qualité, et pas par des associations tutélaires qui gèrent bien trop de situations avec trop peu de gens et très souvent des gens qui n’ont pas les compétences nécessaires, et qui ont même tendance à aggraver les situations. Des personnes qui se retrouvent en rupture de droit parce que les démarches n’ont pas été faites à temps ou qui ont été mal fait.

Accès aux soins

L’accès aux soins des personnes qui sont institutionnalisées a donné lieu à des études qui ont montré par exemple un chiffre qui est le double sur le cancer à cause de dépistage trop tardif.

Aujourd’hui, entre l’inaccessibilité des cabinets médicaux, insuffisance du nombre de médecins, l’absence de formation du monde médical sur les situations de handicap, rend l’accès aux soins particulièrement compliqués et constitue une perte de chance majeure pour les personnes handicapées.

L’abandon des mesures de santé publique, notamment le port du masque dans les hôpitaux et les cabinets médicaux met directement en danger la vie des centaines de milliers de personnes sévèrement immunodéprimées, et fait courir le risque de COVID long au reste de la population.

On note aussi que de plus en plus de traitements médicaux sont indisponibles, y compris ceux qui peuvent constituer un risque vital.

Quant aux représentations que le monde médical se fait de nos vies, et celles du grand public, on n’hésite pas à proposer déjà à certains d’entre nous d’abréger nos souffrances supposées alors que la première souffrance vient de l’inaccessibilité et du manque de compensation.

Enfin, la loi fin de vie nous propose de mourir dans la dignité alors même que comme je viens de l’exposer, ce pays nous refuse depuis 50 ans de vivre dans la dignité.