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J'accuse donc ce gouvernement de sacrifier sciemment une partie de sa population. Il n'était pourtant pas besoin d'être grand clerc pour deviner où nous mènerait cette quête insatiable du pouvoir et de l'argent au détriment de l'être humain (et de tous), de la biodiversité, et d'une utilisation raisonnée et respectueuse de la terre. Dans les années 70, ma mère et sa meilleure amie, écologistes convaincues, pestaient déjà contre les dégâts que nous occasionnions à la terre, avec l'arrachage des haies et la bétonisation, avec les pesticides, avec nos déchets. Et quand à 40 ans, on lui a annoncé qu'elle souffrait d'une maladie de Parkinson, et jusqu'à son décès dans des conditions horribles à 51 ans, elle a régulièrement mis en cause les politiques menées, accusant les pesticides d'être responsables de sa maladie. Ce qui faisait ricaner mon père, qui lui n'était pas du tout écologiste.
Aujourd'hui, on sait malheureusement que les pesticides ont une lourde responsabilité dans le développement de la maladie de Parkinson, à tel point que cette maladie est reconnue comme maladie professionnelle notamment chez les agriculteurs. Ma mère, toujours en avance sur son temps, a réclamé à cor et à cri le droit à l'euthanasie quand elle a commencé à s'étouffer et à souffrir énormément de fausses routes. Cette société qui l'avait pourtant rendu malade, lui a dénié ce droit ultime et elle est donc morte dans des conditions horribles, en s'étouffant jusqu'à ce que son coeur lâche. C'était en 1988 et je n'ai jamais oublié.
Et aujourd'hui, nous en sommes là car beaucoup trop de gens, comme mon père, ont ricané face aux alertes et aux appels à mener une véritable transition écologique d'urgence, ce qui nécessite de remettre en cause l'idéologie libérale actuelle, et le capitalisme qui y a conduit. Alors même qu'aujourd'hui, la loi Leonetti autorise à endormir les personnes en fin de vie, tout en les laissant mourir de faim et de soif, nous devrions pouvoir saluer l'autorisation d'utiliser du Rivotril dans les Etablissements d'Hébergement de Personnes Agées Dépendantes pour ne pas laisser les personnes âgées victimes du Covid-19 mourir en s'étouffant. Cependant, quelle est l'idéologie qui amène et autorise des refus d'accès aux services de réanimation, sous prétexte de leur âge ou de leur handicap ? Sans parler du refus de laisser un choix éclairé aux patients ? En quoi l'âge en tant que tel, ou une situation de dépendance, critères qui ressortent de la grille d'analyse pondue par les sociétés savantes de réanimateurs, justifient-ils un refus d'accès à la réanimation ?
Mais ne nous trompons pas d'adversaire car quels que soient les critères fixés par des médecins, comment ceux qui nous gouvernent ont-ils pu les obliger à trier leurs patients faute de places en réanimation ? Et s'il y a tant de gens en réanimation, c'est bien aussi parce que les soignants et la population n'ont pas bénéficié de masques et de tests rapidement, parce que nos gouvernants ont minimisé la crise tant qu'ils pensaient que ça toucherait essentiellement des "inutiles". Et parce que de Sarkozy à Macron en passant par Hollande et leurs équipes, on a raisonné à court terme, pas anticipé la prochaine pandémie que le monde médical annonçait depuis longtemps, pas renouvelé les stocks de l' Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, organisé notre dépendance à des approvisionnements lointains, mis en application les organisations à flux tendu de l'industrie, etc.
Je revendique, ou plutôt j'exige, conformément à la Convention des droits de l'homme et des droits des personnes handicapées, que chaque malade puisse choisir d'aller en réanimation, en bénéficiant au préalable d'une information éclairée sur les bénéfices et les risques d'un tel traitement, que la décision finale lui appartienne et ne soit surtout pas le fruit du refus criminel d'anticiper cette pandémie par ceux qui nous gouvernent et qui nous ont gouverné ses 10-15 dernières années.
Quant à moi, je défends le droit à l'euthanasie et au suicide assisté, en parallèle d'un accès aux soins pour tous, sans conditions, et l'existence de soins palliatifs de qualité. Nos vies, nos corps nous appartiennent, et c'est à nous de choisir dans quelles conditions cela doit finir ! Pas aux médecins, et encore moins à ceux qui ont méthodiquement et consciemment démoli le système de santé de ce pays. Aujourd'hui, ceux qui nous ont mené droit dans le mur et ont commencé par sacrifier les vieux et les handicapés devront rendre des comptes et faire cesser l'hypocrisie de leur politique qui nous sacrifie à petit feu, à coups de recul de l'accessibilité, de la compensation, et de pauvreté.
Quand on prétend que l'on ne peut pas permettre aux personnes handicapées l'accès à une vie autonome, et que du jour au lendemain, on trouve des milliards pour sauver les entreprises du CAC 40, on peut dire que l'on a affaire à une violence d'État assumée. Qui explique sans doute l'année que nous venons de passer et le nombre de manifestants pacifiques qui ont été mutilés avec les armes que le Gouvernement a su commander, en nombre et à temps, au détriment des masques et des matériels de protection individuelle qui manquent aujourd'hui à nos soignants et à la population.
Odile Maurin, activiste et présidente d'Handi-Social, mai 2020.
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