Communiqué de presse du 26 avril 2023
Le Conseil Constitutionnel refuse de garantir l’effectivité du droit à compensation du handicap, priorise les économies budgétaires et confirme qu’en France les personnes handicapés ne sont pas égales aux valides
Par décision du 24 mars 2023 n°2023-1039 QPC, le Conseil Constitutionnel a rejeté notre Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) rédigée contre la rédaction de l'article L.146-5 du Code de l'action sociale et des familles de la loi du 06 mars 2020. Cet article traite des Fonds Départementaux de Compensation destinés à limiter, en complément de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) le reste à charge des frais de compensation des personnes handicapées à 10% maximum de leurs ressources. Nous soutenions son inconstitutionnalité car il permet aux départements d’éviter l’indemnisation exacte et effective des demandeurs handicapés, en ajoutant la mention que celle-ci sera réalisée « dans la limite des financements du fonds départemental de compensation (…) » (article L.146-5 issu de la loi du 11 février 2005) !
Autrement dit le principe de compensation du handicap est vidé de sa substance, et le Conseil constitutionnel organise la régularité de situations d’inégalités criantes (notamment entre deux demandeurs ayant les mêmes besoins mais dépendant de départements disposant de fonds différents, voire même entre deux demandes équivalentes entre deux personnes vivant dans un même département mais à un moment différent).
Cependant les « sages » de la rue Montpensier – anciens politiques sans doute sensibles aux questions de finances publiques désignés par LREM, le PS ou LR plus qu’à celles du handicap – ont considéré qu’il était loisible au législateur de fixer les règles de financement d’aide sociale inégalitaires et non-contraignantes. Sans convaincre rationnellement, ils ont conclu que le principe de compensation du handicap serait facultatif, et que dès lors des inégalités seraient justifiées sans être inconstitutionnelles...
Ainsi avec l’ajout de cette mention de compensation « selon les fonds disponibles », le droit à compensation se trouve indexé au budget que le gouvernement et les départements voudront bien y consacrer. Ce qui est un dangereux retour en arrière sur le principe de compensation de la loi de 2005, après plusieurs condamnations récentes de la FRANCE pour sa politique en matière de handicap par l’ONU et par le Conseil de l’Europe.
Rappelant que le Conseil d’Etat a déjà condamné à quatre reprises le Gouvernement pour n’avoir jamais publié le décret d’application de la loi depuis 2005… Ainsi chaque département avait choisi, ou non, d’appliquer la loi en compensant plus ou moins les situations de handicaps, causant de grave disparités sur le territoire. Contraignant des demandeurs handicapés à créer des cagnottes en ligne pour financer leur reste à charge, dont les montant peuvent s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros (par ex. fauteuils roulants, adaptation logements ou véhicules), quand ils n’abandonnent tout simplement pas leurs demandes. Plus grave ce recours obligatoire à la charité est désormais institutionnalisé car le principe de solidarité nationale est officiellement relégué au bon-vouloir du département. Alors que l’accessibilité et la compensation du handicap sont les deux principaux outils qui permettent aux personnes handicapées de participer à la vie en société à égalité avec les personnes valides, est-il admissible que les personnes handicapées soient obligées de faire appel à la charité pour financer un fauteuil roulant, une prothèse, un aménagement de logement, de véhicule d’autres besoins ?
Cette QPC avait été déposée à la suite de la publication du décret d’avril 2022 relatif aux Fonds départementaux de compensation du handicap qui conjugalise la compensation du handicap en faisant dépendre la prise en compte des revenus de ceux de son foyer fiscal, sur le modèle de la décriée conjugalisation de l’AAH. Ce recours principal est toujours en cours devant le Conseil d’Etat qui avait transmis la QPC.
L’objectif de notre action en justice était de restaurer le droit à compensation du handicap attaqué par ces deux textes qui font gravement régresser nos droits, et sont désormais appuyés par le Conseil constitutionnel qui privilégie l’objectif de diminution des dépenses publiques en tordant nos droits fondamentaux.
Enfin dans cette décision du même ordre que celle relative à la réforme des retraites, le Conseil constitutionnel a tranché plus en opportunité qu’en droit, refusant de constitutionnaliser le droit à compensation du handicap, ou même le principe de solidarité pour les personnes handicapées.
Impossible donc de ne pas conclure que pour les personnes handicapées on peut en FRANCE ne pas appliquer la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, qui consacrait ce droit à compensation en ses articles 11 à 15, ni le principe conventionnel du droit aux aménagements raisonnables consacré par l’article 19 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) ratifiée en 2010 sur le droit à l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société.
Acta fabula est.
Madame Odile MAURIN, Présidente d’HANDI-SOCIAL : 06 68 96 93 56 odilemaurin@handi-social.fr
Maître David NABET- MARTIN, Selarl DNM AVOCAT, avocat : 06 12 17 86 78 ; dnm@dnm-avocat.com
La décision du Conseil constitutionnel du 24 mars 2023 : Rejet de notre QPC : le Conseil a jugé en opportunité et non en droit ! Pourtant, pas d'égalité possible sans droit à compensation du handicap !
Lire la décision : https://www.pepsup.com/resources/documents/ARTICLES/000/084/829/848293/DOCUMENT/230324_Conseilconstitutionnel_rejet_2023-1039_QPC_sur_FDC.pdf
En gros, Pour le Conseil Constitutionnel, normal de faire appel à la charité pour payer son fauteuil roulant et/ou normal de finir au cimetière avant la retraite
MEDIAS :
Article du 27/3/23 d'Edoxie Allier sur Hospimedia : "Handi-social attaque les restes à charge de la prestation de
compensation du handicap"
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Lien vers l'article : https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20230327-protection-sociale-handi-social-attaque-les-restes-a
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Comment ça marche la compensation en théorie ?
La loi française pose un principe de compensation du handicap, en pratique organisé par la mise en œuvre de deux mécanismes successifs :
- Dans un premier temps, le versement d’une Prestation de Compensation du Handicap (Il s’agit d’un montant déjà limité par les textes règlementaires, malgré le principe de pleine compensation dans tous les domaines de la vie posé par le législateur. La PCH est versée par le département et a pour objectif affiché de prendre en charge ou rembourser des dépenses liées aux situations de handicap. Elle comprend cinq formes d’aides (technique, aménagement du logement et du véhicule et surcout des transport, aide spécifique ou exceptionnelle, aide animalière). Son attribution dépend réglementairement de critères restrictifs basés sur la reconnaissance de « difficultés absolues ou graves » pour « réaliser des activités dites essentielles » (se laver, etc.). Sont pris en compte des critères d’âge, de conditions de résidence du demandeur, de nationalité ou de droit au séjour, et un plafond de ressources au-delà duquel une participation est demandée. Puis sont fixés des tarifs plafonds pour les aides techniques et les aménagements, mais bien en dessous des couts réels. Ainsi la PCH ne prend pas en compte les dépenses réellement nécessaires pour compenser pleinement les situations de handicap (par exemple prise en charge d’aide humaine uniquement pour faire manger une personne handicapée, mais pas pour réaliser les courses alimentaires et la préparation du repas…).
- Dans un second temps Une fois la PCH attribuée, le versement d’un complément peut être sollicité auprès du Fonds Départemental de Compensation (au moyen d’un nouveau formulaire rempli, lorsque le demandeur connait cette procédure complémentai re et quand elle est appliquée dans son département. Il sera observé que le FDC ne complète en réalité que les dépenses prises en charge par la PCH, elles-mêmes réduites par rapport au principe de compensation tel que posé dans la loi, comme explicité précédemment.
Historique de l'action contentieuse pour le droit à compensation :
10 août 2022 : Compensation du handicap : Handi-Social s’oppose au rognage « en catimini » de ce droit fondamental !
19 novembre 2022 : Compensation du handicap : Conseil d'Etat saisi et dépôt d'une QPC (Conseil constitutionnel)
Le 20 janvier 2023
1ere victoire : La décision du Conseil d'Etat du 20 janvier 23 de transmission au Conseil Constitutionnel de notre question prioritaire de constitutionnalité sur le droit à compensation du handicap : décision dans 3 mois !
Les suites de la QPC acceptée par le Conseil d'Etat et transmise au Conseil Constitutionnel :
Après le feu vert du Conseil d'Etat qui a transmis notre QPC au conseil constitutionnel par une décision du 20 janvier 2023, il y a eu un nouvel échange d'écritures entre notre association et la représentant de la 1ere ministre par le biais du Conseil Constitutionnel.
La décision du Conseil d'Etat du 20 janvier 2023 :
Voici notre mémoire responsif du 23 février 23 devant le Conseil Constitutionnel :
Puis une audience a été fixée au 14 mars 2023 à laquelle nous n'avons pas pu assister du fait d'un manque de moyens financiers mais surtout parce que les transports sont peu accessibles pour aller à Paris, couteux et que se faire héberger à un prix raisonnable est une gageure.
Nous avons malgré tout obtenu de pouvoir produire une note en délibéré pour répondre à l'avocat de la 1ere ministre qui lui n'avait eu aucun mal à se déplacer et être présent.
Notre note en délibéré :
Et nous avons produit une étude de la CNSA datant de 2019 et analysant les données 2017 des FDC qui illustre la différence de traitement suivant le département avec des FDC qui existent, ou pas, des règlements qui diffèrent suivant les départements, ainsi que les montants, les domaines d'intervention. A noter que la 1ère ministre s'était bien gardée de présenter cette étude...
L'étude de la CNSA de 2019 :
Pour conclure :
Nous tenons à souligner que bon nombre des difficultés subies par les personnes handicapées pour leur participation à la vie en société ne sont pas dues à leurs incapacités ou différences – sauf à les analyser au moyen du paradigme « validiste ». Mais essentiellement à l’inaccessibilité de notre société qui dépend de choix économiques (transports publics, bâtiments publics, logements, accès au travail, à l’éducation, etc.) et de volontés politiques de limiter ou reporter, par des lois, décrets ou délibérations, l’application effective des principes contenus dans notre bloc de constitutionnalité.
A l’inverse, sans compensation du handicap, les personnes handicapées sont mises dans l’impossibilité de participer à la vie en société à égalité avec les personnes valides.
En somme nous espérions que soit prise une décision permettant d’irriguer notre système juridique, en rappelant le sens de nos principes fondamentaux, dans l’objectif de garantir enfin la compensation effective du handicap, le principe de solidarité et d’accessibilité universelle garantis par notre Constitution.
Rappelons enfin que cette décision est en totale contradiction avec les engagements internationaux de la France rappelés par l'ONU et plus récemment par le Comité Européen des droits Sociaux émanation du Conseil de l'Europe :
Notre contribution au rapport ONU de septembre 2021 :
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